web counter

CRISTORAUL.ORG

EL VENCEDOR EDICIONES

Amazon.com:

LE CŒUR DE NOTRE-DAME MARIE DE NAZARETH:

UNE HISTOIRE DIVINE

LES DERNIERES PERSÉCUTIONS DU TROISIÈME SIÈCLE

(GALLUS, VALÈRIEN, AURÈLIEN)

 

LES DERNIERES PERSÉCUTIONS DU TROISIÈME SIÈCLE

(GALLUS, VALÈRIEN, AURÈLIEN)

 

CHAPITRE II

LE PREMIER ÉDIT DE VALÉRIEN.

I.

L’édit de 257.

 

«Si tous avaient eu le droit de désigner par leurs suffrages un prince de leur choix, nul doute que Valérien n’eût été élu». Cette phrase, écrite cinquante ans après la mort de l'empereur, n’est pas une flatterie: elle exprime le sentiment des peuples voyant monter sur le trône un prince qui n’avait pas trempé ses mains dans le sang de ses prédécesseurs, le premier capitaine d'alors, et l’ami de tous les généraux dont l’épée, au nord et à l’est, défendait les frontières du monde civilisé. D’un homme mûri par l’âge et l’exercice des grandes charges on ne pouvait craindre les folies d’un jeune César, cet emportement ou cette mollesse qui perdent les empires. Valérien était doux, modéré, n'avait point d'ennemis à punir ou de fortune à faire. Tous les patriotes se réjouirent à la pensée de vivre sous un maître qui saurait épargner la vie des citoyens et tenir à distance les envahisseurs. Qui eût pu croire qu’un règne commencé sous d'aussi heureux auspices verrait couler à flots le sang des martyrs, toutes les frontières envahies, les Barbares foulant le sol national comme une terre sans défense, et, seul de tous les empereurs, Valérien mourant non seulement prisonnier, mais esclave d’un des ennemis séculaires du nom romain?

Les fidèles, en particulier, étaient loin de ces prévisions sinistres. Après le court et violent orage suscité par Gallus, ils avaient retrouvé le calme. La faveur du prince leur semblait même acquise: Denys d'Alexandrie, toujours bien informé, dit qu’«il était doux et bon pour les serviteurs de Dieu. Aucun de ses prédécesseurs, pas même ceux qui passent pour avoir été ouvertement chrétiens, n'eut pour nos frères un accueil aussi affectueux et aussi familier. Sa maison, remplie d’hommes pieux, paraissait une église». Avec une curiosité qui probablement restera sans réponse, on se demande quelles circonstances inclinèrent ainsi l’âme de Valérien vers les disciples de Jésus. Ses vertus naturelles ne suffirent pas à lui donner cette sympathie: nous avons vu quelques-uns des meilleurs princes, et même des plus vertueux, se montrer ennemis systématiques de l’Église. La bienveillance du nouvel empereur dépendit probablement de quelque influence personnelle : il cédait volontiers à l'opinion de ses amis, les remerciait de leurs conseils, se soumettait de bonne grâce à leur blâme. Est-ce un ami, un serviteur qui se fit près de lui le protecteur des chrétiens? Sa belle-fille Salonine aurait-elle plaidé leur cause? On l’ignore; mais la facilité avec laquelle il changera bientôt de dispositions montre que sa faveur tenait à des motifs superficiels plutôt qu'à une conviction profonde. Un des défauts de Valérien était de se décider par autrui, et de manquer de suite dans ses desseins.

Des influences hostiles modifièrent peu à peu ses sentiments pour les chrétiens. Après leur avoir été favorable, il va se déclarer contre eux, sans pouvoir rien leur reprocher, car jamais l’Église ne donna moins d’ombrages à l’autorité civile. Elle était tout à ses affaires intérieures. Quelques-unes des plaies faites par Dèce avaient pu être pansées à la hâte; mais il restait d’autres maux à guérir. Le schisme novatien conservait des adhérents dans le haut clergé: l'épiscopat gaulois réclama et probablement obtint du pape saint Étienne, successeur de Lucius, la déposition de l’évêque d’Arles, qui refusait d’admettre les tombés à la pénitence. Ailleurs c’étaient les partisans de la morale relâchée qui remuaient encore : les évêques libellatiques de Léon et de Mérida essayaient de tromper le pape et d’être maintenus sur leurs sièges malgré les protestations de l’Espagne chrétienne. Bientôt s'émut la querelle des rebaptisants, qui agita l'épiscopat de plusieurs provinces, et mit des hommes tels que saint Cyprien et saint Firmilien en désaccord avec l'ancienne tradition de l'Église, que maintenait fermement saint Étienne. Cette grave controverse montra sans doute l'activité intellectuelle et morale du clergé; mais elle révéla en même temps de passagères divisions, heureusement réparées par la vigilance et l'autorité du pontife romain. Un tel spectacle n’était pas pour inquiéter l’empereur. D'autres faits lui prouvaient la modération des chefs de l'Église. Dans leurs rapports avec des populations récemment sorties du paganisme, les évêques montraient en général une grande tolérance. C'est ainsi que saint Grégoire le Thaumaturge, instituant des solennités religieuses près des tombeaux des martyrs, permettait d’y faire des festins publics, à l’exemple des confréries profanes. Ces allures aimables et douces du christianisme primitif n’étonneront aucun de ceux qui ont quelque habitude de ses monuments: la simplicité, la grâce, une honnête joie respirent dans les peintures des catacombes comme dans les coutumes des bons fidèles du Pont. L’Église ne demandait pas à ses enfants d’être moroses, mais d'être purs. Elle condamnait l’idolâtrie et les mauvaises mœurs, non les réjouissances et les festins. L'empire eût pu s’entendre avec elle sans que l’aspect de la société fut changé, sans que celle-ci perdit aucune de ses parures, sans que la laideur cl la tristesse prissent la place de l'antique beauté.

Valérien l’aurait peut-être compris. Il avait vu de trop près les chrétiens pour s'effrayer soit de leur nombre, comme Septime Sévère, soit de leur hostilité prétendue, comme Dèce. Mais on lui présenta d’antres motifs de défiance, (pie laissent apercevoir les documents relatifs à sa persécution. L'Église lui fut dénoncée comme une société puissante par sa hiérarchie, et surtout par la grandeur de ses domaines et l’abondance de ses richesses. Pour comprendre l’effet de cette dénonciation, il faut mettre en regard les merveilles de la charité chrétienne et la crise économique dont souffrait l'empire. La caisse de l’Église était sans cesse remplie et vidée par l'aumône. Les cotisations mensuelles et les dons volontaires servaient à l’entretien des ministres du culte, aux frais du service divin, aux dépenses des cimetières, au rachat des captifs, au soulagement des détenus, des forçats et des exilés, à l’assistance des pauvres, des infirmes, des veuves. Rome chrétienne nourrissait quinze cents indigents sous le pape Corneille. Les libéralités de chaque Église dépassaient fréquemment les limites de son territoire: nous avons vu celle de Carthage envoyer cent mille sesterces en Numidie; saint Cyprien offre à un évêque voisin d'assister des deniers de sa communauté un comédien converti, qui n’a pas encore trouvé de métier honnête. Les aumônes des pontifes romains allaient parfois jusqu'aux extrémités de l’empire : le pape saint Étienne fait parvenir des secours aux Églises de Syrie et d’Arabie. Les païens s'étonnaient d’une société dans laquelle les pauvres étaient moins pauvres, parce qu’on procurait aux uns du travail, aux autres des aliments, et les riches plus riches, parce que leur patrimoine ne se consumait pas à offrir au peuple des spectacles voluptueux ou cruels. Cette prospérité contrastait singulièrement avec la décadence d'un État où le commerce et l’agriculture dépérissaient, où l'or et l'argent ne circulaient plus, où la détresse du trésor public contraignait les empereurs à faire de la fausse monnaie et à lui donner cours forcé. Dans les crises de cette nature, les convoitises s’allument vite; sans rechercher les vraies causes d’une ruine dont tout le monde souffre, et dont chacun est plus ou moins complice, on demande des explications imaginaires, on croit aux remèdes empiriques. Au lieu d'attribuer l’altération monétaire, l’espèce de banqueroute qui en était la conséquence, à l’abandon du commerce, à l’épuisement des campagnes, aux excès du luxe improductif, à l’esclavage, aux raisons morales inséparables des motifs économiques, on aima mieux supposer qu’une association occulte accaparait l’or et l’argent, les frappait de stérilité, amenait la ruine publique. Les païens ne comprenaient pas que l’Église, comme le dit saint Cyprien, ne fit point d’économies, et que «tout ce qu’elle recevait allât aux pupilles et aux veuves»: leur imagination entrevoyait dans l’ombre des sanctuaires d’immenses piles d'argent monnayé, des métaux précieux laissés en lingots ou transformés en objets d’art, une mystérieuse réserve constituée peu à peu aux dépens des mourants et des orphelins. «Le peuple demande cet argent, disait-on; le fisc, le trésor le réclament : il faut en aider le souverain». Valérien finit par ajouter foi aux rumeurs qui couraient clans le public, et se résolut à dissoudre les associations chrétiennes pour s'emparer de leurs domaines et de leurs richesses. La question d’argent va jouer un grand rôle dans sa guerre à l'Église. On le vit dès les violences isolées qui précédèrent l’édit et préludèrent à la persécution officielle. Une famille venue de Grèce à Rome, composée du père, et de la mère, Hadrias et Pauline, des enfants, Néon et Marie, avait été convertie par un de leurs parents, Hippolyte, qui vivait dans une sablonnière de la voie Appienne, travaillant à la transformer en cimetière. Après avoir reçu du prêtre Eusèbe et du diacre Marcel les éléments de la doctrine évangélique, les néophytes furent baptisés par le pape Étienne. Leurs richesses étaient grandes; ils les distribuèrent aux pauvres. Maxime, préfet de Rome entre 255 et 256, fut prévenu: la générosité des nouveaux chrétiens lui parut suspecte: il avertit Valérien de la présence de riches étrangers qui répandaient l’argent dans le peuple et le détournaient du culte des dieux. Hippolyte, Hadrias, Pauline, Néon, Marie, Eusèbe et Marcel furent traduits à plusieurs reprises devant l'empereur ou quelqu'un de ses conseillers. La même question, reproduite dans la plupart de leurs interrogatoires, fait connaître le mobile de la poursuite : «Dis-nous, demandait Valérien au chef de la famille, dis-nous d'où te viennent ces grandes richesses, ces immenses trésors dont tu te sers pour séduire le peuple? — Ma fortune est le fruit de l’épargne et du travail de mes parents», répondait le chrétien; évidemment, dans la pensée de l’empereur, elle avait une origine plus mystérieuse, et provenait de quelque caisse secrète. Le procès dura longtemps: Hadrias et Hippolyte furent mis à mort après tous les autres, quand on eut perdu l'espoir de s'emparer des fantastiques trésors que leur prêtait l'imagination des persécuteurs. Un greffier nommé Maxime, chargé de surprendre les chrétiens, s’était laissé convertir par eux, et périt également. Les martyrs furent enterrés à un mille de Rome, sur la voie Appienne, dans le souterrain où vécut Hippolyte.

L'exécution des «martyrs grecs» et, vers le même temps, la tragique histoire des époux chrétiens Chrysanthe et Daria, ensevelis vivants dans un arénaire de la voie Salaria nouvelle, furent sans doute connus au dehors: c'est probablement après les avoir appris que des chrétiens d'Afrique, sentant la persécution imminente, demandèrent à saint Cyprien de les y préparer. «Cher Fortunat, répond-il à celui qui lui avait présenté cette requête, comme la menace de la persécution pèse déjà sur nous et que l’heure de l’Antéchrist approche, tu as désiré me voir chercher dans les saintes Écritures des exhortations pour fortifier les âmes de nos frères et animer au céleste combat les soldats du Christ. Il me faut obéir à un désir aussi légitime. Dans la mesure de mes forces, avec l’aide de la grâce divine, je vais recueillir dans les préceptes du Seigneur des armes et des munitions pour ceux qui doivent prendre part à la bataille. Car c'est peu de sonner la trompette et d’éveiller le peuple de Dieu; je dois affermir par les divines leçons la vaillance et la foi des croyants». L’écrit de saint Cyprien, composé pendant cette veillée des armes qui précède les grandes luttes, n’est pas un livre ou un discours, mais une sorte de table des matières, de cadre d'instructions: il laisse à l’éloquence des prédicateurs ou à l'intelligence des fidèles le soin d’y ajouter. «J’envoie la laine teinte dans le sang de l’Agneau: à vous d’en tisser des habits», dit-il ingénieusement.

Comme toujours, Cyprien avait été prévenu à temps. Les défiances adroitement semées dans l’esprit de l’empereur portaient maintenant leurs fruits. Habitués à découvrir partout des complots, effrayés et jaloux de la prospérité matérielle de l'Eglise, ses conseillers lui répétaient qu’une tolérance plus longue serait un péril pour l’empire. Les paroles de Valérien au martyr Hadrias montrent qu'il avait fini par écouter ces insinuations. Craignit-on, cependant, que la présence de ses amis et serviteurs chrétiens, dont la loyauté lui était connue, ne le fit encore une fois changer de sentiments? Nous serions tentés de le croire, en voyant des influences d’un ordre tout nouveau mises en œuvre, par les fauteurs de la persécution. Dans le grand monde romain de cette époque à la fois sceptique et crédule, la politique prit souvent la superstition pour alliée. Valérien vieillissait: les empereurs païens, que nulle foi positive ne défendait contre les terreurs d’une autre vie, devenaient avec l’âge accessibles aux sorciers, aux charlatans, à quiconque prétendait parler au nom du monde invisible. Tel fut Hadrien, malgré son érudition et le tour railleur de son esprit; tel fut Marc-Aurèle, malgré sa philosophie. L'ambitieux Macrien, qui détestait les chrétiens et pratiquait les arts magiques, réussit à s’emparer de l’âme de l’empereur. On fit voir à Valérien des spectacles étranges: les prestiges dans lesquels ont excellé de tout temps les enchanteurs de l’Égypte furent mis sous ses yeux; le sang des jeunes enfants, libation préférée des divinités infernales, arrosa les marbres de ce palais naguère comparé à une église. Dans chacune des séances les chrétiens étaient maudits : si le prodige attendu ne paraissait pas, la faute en était à ces ennemis des dieux, à ces sacrilèges qui empêchaient les manifestations surnaturelles. Attaqué de tous côtés, par la cupidité, par la politique, par la superstition, prêtant tour à tour ou simultanément l'oreille aux hommes d'État et aux magiciens, le malheureux empereur céda : un édit fut lancé contre les hommes en qui il avait longtemps vu ses meilleurs amis. Les jours sombres de ce règne jusque-là si prospère allaient commencer.

Bien que le texte n’existe plus, l’édit de 257 peut être facilement reconstitué : ses dispositions sont citées à plusieurs reprises clans des interrogatoires authentiques. On y remarque une différence importante avec ledit promulgué sept ans auparavant par Dèce. Celui-ci commandait aux fidèles de renier Jésus-Christ; aux cérémonies idolâtriques ils devaient joindre un acte formel d’abjuration. Valérien ne demande pas tant: moins absolu que Dèce, ou craignant un échec, ou peut-être conservant quelque pitié pour les chrétiens, il leur propose un moyen terme. Son dessein est de les faire rentrer dans les cadres de la religion nationale : il se contentera d’un sacrifice aux divinités de l'empire, mais il n’exige point d’abjuration. Que les fidèles, par un syncrétisme dont les païens de cette époque n’eussent point été surpris, continuent à rendre individuellement un culte au Christ, l’empereur se déclarera satisfait , pourvu qu’en même temps ils prennent part aux cérémonies officielles et fassent fumer avec tous ses sujets l’encens aux pieds des dieux.

Une seconde partie de l’édit en manifeste le but politique et les tendances spoliatrices. La main de l’Etat va s’étendre sur les cimetières, siège légal du collège funéraire dont les principales Églises ont pris civilement la forme. Défense aux chrétiens d’entrer dans ces lieux de repos et de tenir des assemblées. C’est le premier effort tenté pour dissoudre la corporation chrétienne et retirer à l’Eglise la base juridique sur laquelle, grâce à la propriété collective, elle s'appuyait depuis un siècle et demi. L’édit se borne encore à mettre les cimetières sous séquestre: dans d'autres persécutions le fisc les saisira définitivement.

Telles sont les dispositions principales de l’acte de 257. On y reconnaît les ménagements d'un souverain qui resta longtemps favorable aux chrétiens et se résout malgré lui à les poursuivre. Aussi ne prend-il même pas une mesure générale: seuls les évêques, prêtres, diacres sont nommés; d'eux seuls est exigée une marque de soumission. Valérien ne cherche pas à faire de nombreuses victimes, ni même, comme Dèce de nombreux apostats: il lui suffit que, par l'organe de leurs chefs hiérarchiques, les membres de l’Église donnent une adhésion officielle aux dieux de l'État. L’obéissance des chefs entraînera naturellement la suppression de la hiérarchie et la dissolution des communautés. Quant au peuple chrétien, à la foule des laïques, l’édit ne s'en occupe que s’ils reconstituent celles-ci en violant la défense de fréquenter les cimetières et de tenir des assemblées.

Dans la sanction pénale se montrent les défiances auxquelles de perfides conseillers ont ouvert l’âme de Valérien. Le délit qui naguère eût paru le plus grave, le refus par un membre du clergé de rendre honneur aux dieux, est puni de la peine relativement douce de l’exil. Mais le second délit, l’entrée dans un cimetière ou l'assistance à une réunion chrétienne, fait encourir la mort. Le fidèle qui l’a commis est considéré comme fauteur d’une association illicite, d’autant plus dangereuse qu’elle s’est abritée jusque-là sous le couvert d'une corporation légale. Quiconque établissait un collège illicite était, dans la rigueur du droit, traité comme le brigand qui s’empare à main armée de temples ou d’édifices publics. La peine devient celle de la loi de lèse-majesté, crime à peu près identique au sacrilège et méritant la mort. La torture peut être infligée au coupable, quelle que soit sa condition; mais le supplice variera : les «honnêtes gens» seront décapités, les «humbles» livrés aux bêtes ou au bûcher. De l’arsenal des lois romaines, si hostiles jadis au droit d’association, Valérien tire ce châtiment exceptionnel et le tourne contre les chrétiens coupables de s’être assemblés. L’impiété envers les dieux n’entraîne que l’exil, et encore pour les seuls membres du clergé; l’association illicite est punie de mort, que le coupable soif un des chefs ou le plus humble membre de la communauté chrétienne.

Aucune mesure aussi grave n’a encore été prise par un persécuteur. Dèce lui-même avait respecté les domaines funéraires de l’Église. Quand Valérien retire aux chrétiens le droit de s’associer pour la sépulture, et séquestre leurs cimetières, il dépasse l'intolérance de son prédécesseur : lui qui parfois semble répugner aux violences matérielles, commet ici une violence morale dont l’Église et plus encore l'État se ressentiront pendant un demi-siècle.

II

L’exécution de l’édit.

 

Saint Denys d’Alexandrie applique à Valérien ces paroles de l'Apocalypse : «Une lui fut donnée qui se glorifiait insolemment et qui blasphémait, et il reçut le pouvoir de faire la guerre durant quarante-deux mois». Le règne de Valérien se termina vers le milieu de 260; si l’on remonte à quarante-deux mois 'en arrière, on placera en 257 l’ouverture officielle de la persécution.

La renommée de saint Cyprien le désignait aux persécuteurs: il fut mandé devant le proconsul d’Afrique. «Ce que le prêtre de Dieu répondit alors, ses Actes sont là qui le rapportent», écrit son biographe. Le procès-verbal de la comparution de Cyprien avait été recueilli par les chrétiens; l’admiration de ses ouailles en répandit des copies dans toute l’Afrique romaine. Nous le voyons cité non seulement par Pontius, mais encore par des confesseurs remerciant le saint évêque des enseignements qu’ils ont trouvés dans ses Actes.  Cette pièce, d’une valeur inestimable, se lit encore; commenter un tel document serait superflu, il suffit de traduire :

«L'empereur Valérien étant consul pour la quatrième fois et Gallien pour la troisième, le 3 des calendes de septembre, à Carthage, dans son cabinet, Paternus, proconsul, dit à Cyprien, évêque :

—Les très saints empereurs Valérien et Gallien ont daigné m'adresser des lettres par lesquelles ils ordonnent à ceux qui ne suivent pas la religion romaine d’en observer désormais les cérémonies. C’est pourquoi je t’ai fait venir : que réponds-tu?

— Cyprien, évêque, dit : Je suis chrétien et évêque. Je ne connais pas de dieux, si ce n’est le seul et vrai Dieu qui a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent. C’est ce Dieu que nous, chrétiens, nous servons; c’est lui que nous prions jour et nuit, pour nous et pour tous les hommes, et pour le salut des empereurs eux-mêmes. 

Paternus, proconsul, dit : Tu persévères dans cette volonté?

—Cyprien, évêque, répondit : Une volonté bonne, qui connaît Dieu, ne peut être changée. 

Paternus, proconsul, dit: Pourras-tu donc, suivant les ordres de Valérien et de Gallien, partir en exil dans la ville de Curube?

—Cyprien, évêque, dit : Je pars.

Paternus, proconsul, dit : Ils ont daigné ni écrire au sujet non seulement des évêques, mais aussi des prêtres. Je veux donc apprendre de toi les noms des prêtres qui demeurent en cette ville.

—Cyprien, évêque, dit : Vous avez bien et utilement défendu la délation par vos lois. C’est pourquoi je ne puis les révéler et les trahir. On les trouvera dans leurs villes.

Paternus, proconsul, dit : Je les trouverai. Et il ajouta : Ils (les empereurs) ont aussi défendu de tenir aucune réunion et d’entrer dans les cimetières. Celui qui n'observera pas ce précepte salutaire encourra la peine capitale.

—Cyprien, évêque, répondit : Fais ce qui t'a été commandé.

Alors le proconsul Paternus ordonna que le bienheureux Cyprien, évêque, serait exilé».

L’exil ne fut pas très dur, de l’aveu du biographe. La résidence assignée à Cyprien était une ancienne colonie romaine, séparée de Carthage par la péninsule étroite et montagneuse qui forme de ce côté la pointe extrême de la province. Pontius se plaint de l’âpreté du site, de l’absence d’eau potable et de verdure, et de l'éloignement du rivage; mais il dit qu’une demeure bien exposée fut choisie pour le confesseur de la foi, et loue l’accueil aimable et discret des habitants, l'affluence des visiteurs. D’austères pensées occupèrent dès le premier jour l’esprit de l'évêque séparé de son troupeau. Un songe lui montra le proconsul assis sur son tribunal: derrière le magistrat se tenait un jeune homme de très liante taille. Le proconsul écrivait sur des tablettes. Le jeune homme, après avoir lu, indiqua d’un geste à Cyprien qu’une sentence le condamnait à la décapitation. Cyprien demanda un délai pour mettre ordre à ses affaires. Un second geste avertit qu'un jour était accordé. A son réveil, l’évêque raconta la vision à Pontius: tous deux y reconnurent l’annonce d'un prochain martyre; mais ils comprirent que ce­lui-ci ne serait pas immédiat, et que Cyprien aurait le temps de disposer de son patrimoine au profit des pauvres. En effet, ajoute Pontius, un an, jour pour jour, s’écoula entre ce songe prophétique et son accomplissement.

« Je les trouverai facilement», avait répondu le proconsul à saint Cyprien qui refusait de donner le nom et la demeure des membres du clergé. Bientôt furent arrêtés des évêques, des prêtres, des diacres, et avec eux beaucoup de laïques de tout sexe et de tout âge. On envoya la plupart aux travaux forcés des mines. La sévérité de la peine comparée à l’exil plus doux de saint Cyprien, et aussi les laïques mêlés aux clercs, font penser que cette condamnation fut prononcée pour une double contravention à l’édit. Traduit devant le gouverneur dès l’arrivée des lettres impériales à Carthage, Cyprien n’avait pas eu le temps de leur désobéir en tenant des réunions religieuses; mais ses collègues dans l’épiscopat et dans le sacerdoce continuèrent, malgré la loi, les assemblées du culte et l’usage des cimetières, et attirèrent sur eux et sur le peuple fidèle de plus grandes rigueurs. La mort pouvait être prononcée, et parait l'avoir été pour quelques-uns; les magistrats crurent user d'indulgence en condamnant le reste aux mines, la première des peines capitales après elle. De Curube, Cyprien se mit tout de suite en correspondance avec les confesseurs. Aidé par le riche et charitable Quirinus, il leur fit parvenir des secours, avec ses éloges et ses encouragements. Sa lettre est adressée «à Nemesianus, Félix, Lucius, un autre Félix, Litteus, Polianus, Victor, Jader, Dativus, mes collègues dans l'épiscopat, et aussi à mes collègués dans la prêtrise, et aux diacres, et à tous les autres fidèles qui, dans les mines, rendent témoignage à Dieu le Père tout puissant et à Jésus-Christ notre Seigneur, notre Dieu, notre protecteur».

Les confesseurs répondirent à Cyprien par trois épitres distinctes. L’une est écrite au nom de Nemesianus, Dativus, Félix et Victor; la seconde au nom de Lucius et de ses compagnons; la troisième a pour auteurs Félix, Jader, Polianus, avec les prêtres et tous les autres détenus dans les mines de Sigus il est difficile de savoir si les trois groupes travaillaient à Sigus, dans des puits différents, ou si deux des groupes étaient employés dans d’autres mines. Mais on voit par la lettre de Cyprien que tous ces condamnés exploitaient les veines d'or et d’argent cachées dans les flancs des montagnes. Leur existence était affreuse. Autour des mines comme des camps se formaient souvent des cités improvisées, offrant aux ouvriers quelques-unes des douceurs de la civilisation: on y trouvait des temples, des écoles, des bains, des ateliers de foulons, jusqu’à des boutiques de coiffeurs. Mais les travailleurs libres et les soldats chargés de la police on de la garde de la mine en profitaient seuls. Les condamnés restaient soumis au plus dur régime , sans adoucissement à leurs souffrances. Avant même de descendre dans la mine leur supplice commençait. On les flagellait; on les marquait au front; un forgeron leur rivait pieds des anneaux de fer, joints par une courte chaîne quelquefois reliée à la ceinture, qui laissait la faculté de marcher, mais prévenait toute fuite. Assimilés en droit à l'esclave, par une condamnation entraînant la mort civile, ils lui étaient désormais assimilés en fait, par le traitement qu'on leur infligeait : ils devenaient «a race ferrée» dont parle Plaute. Non seulement, comme l’esclave des champs, ils avaient les jambes liées et le visage marqué; mais, comme à lui encore, on leur avait rasé la moitié des cheveux, afin de les reconnaître s'ils parvenaient à s’échapper. En cet état, des évêques, des prêtres, des laïques de tout rang, des vieillards, des jeunes filles, des enfants travaillaient dans des ténèbres que rendait plus sensibles la vapeur empestée des torches; à peine nourris, tremblant de froid sous leurs haillons dans l’air glacé des souterrains, sans lits, sans même un matelas, sans bains, privés surtout des consolations spirituelles et de l’exercice du culte. Mais dans ces peines l’âme des généreux confesseurs restait libre: leurs lettres simples et touchantes montrent que l’ardeur de la foi, la joie de souffrir pour Jésus-Christ, la charité mutuelle, élevaient la nature au-dessus d'elle-même et la rendaient supérieure à toutes les défaillances. Ils n'étaient point plongés, comme leurs compagnons païens, dans les cercles désespérés d'un Enfer digne de celui de Dante : sur leurs tètes déformées et souffrantes rayonnait déjà la douce splendeur du Paradis.

Pendant que les chrétiens de l’Afrique proconsulaire et des provinces voisines rendaient témoignage à leur Dieu par l’exil ou la captivité, des scènes analogues se passaient en Égypte. Le renom et l'autorité de saint Denys égalaient dans Alexandrie ceux de saint Cyprien à Carthage. Cité devant le préfet Émilien, il se rendit au tribunal accompagné du prêtre Maxime, des diacres Faustus, Eusèbe et Chérémon; un chrétien de Rome, qui se trouvait là, entra avec eux dans le prétoire. La relation officielle, les «actes» du procès ont, cette fois encore, été conservés; saint Denys lui-même les cite dans une lettre à l'évêque Germanus. Voici ce document, digne de ce­lui que nous avons traduit plus haut :

«Denys, Faustus, Maxime, Marcel et Chérémon ayant été introduits, le préfet dit: Je vous ai fait connaître non seulement par écrit, mais même de vive voix la bonté de nos princes envers vous. Ils vous ont laissé le moyen de vous sauver, si vous voulez, conformément aux lois de la nature, adorer les dieux gardiens de leur empire et oublier ce qui est contraire à ces lois. Que répondez-vous? Car j'espère que vous ne vous montrerez pas ingrats envers la clémence qui s'efforce de vous ramener dans une voie meilleure». Denys répondit : «Les mêmes dieux ne sont pas adorés par tous: chacun adore ceux qu’il croit. Nous reconnaissons et nous adorons un seul Dieu, créateur de toutes choses, qui a confié l'empire à ses très aimés Valérien et Gallien Augustes. C’est à lui que nous offrons de continuelles prières pour le salut et la stabilité de leur empire». Le préfet Émilien dit alors : «Qui vous empêche d’adorer ce Dieu, s'il l'est vraiment, et de rendre en même temps un culte à ceux qui sont dieux par nature car on vous ordonne d’adorer les dieux, c’est-à-dire ceux que tout le inonde reconnaît pour tels». Denys répondit : «Nous n'en adorons point d’autre». Le préfet Émilien dit : «Je vois que vous êtes des ingrats et que vous méconnaissez la clémence des Augustes. Aussi ne resterez-vous pas dans cette ville; vous serez envoyés eu Libye, dans un lieu appelé Kephro. C’est la résidence que j'ai choisie pour vous, selon l'ordre de nos Augustes.  Il n'est permis ni à vous ni à nul autre de tenir des réunions ou d'aller dans ce qu’on appelle des cimetières. Celui qui aura manqué de se rendre au lieu que j’ai assigné ou qui aura pris part à une assemblée sera l’artisan de son malheur. Car la peine méritée ne fera pas défaut. Allez donc où l'on vous commande».

L'attente du préfet fut trompée : loin de mettre un terme aux assemblées chrétiennes, l'exil de l'évêque d'Alexandrie les multiplia en des lieux où le nom du Christ était à peine connu. Avant de se mettre en route, Denys s'entendit avec les membres du clergé laissés dans la ville, et toutes les précautions furent prises pour qu’en son absence les fidèles se réunissent régulièrement: «Je les présidais, dit-il, absent de corps, mais présent d’esprit». À Kephro, sur la limite du désert, d’autres assemblées se tenaient en même temps: beaucoup de fidèles avaient suivi leur évêque, et de toutes les parties de l’Égypte des chrétiens venaient le voir. Non content de réunir tant d'adorateurs du Christ, Denys voulut le faire connaître aux Libyens. Il annonça dans Kephro la parole évangélique. D’abord les habitants jetèrent des pierres au prédicateur, puis quelques-uns se laissèrent toucher. Dieu nous avait visiblement conduits en ce lieu, dit saint Denys; maintenant que la semence est jetée il nous emmène ailleurs. Inquiet du mouvement chrétien qui se produisait à Kephro, Emilien fit transporter les condamnés dans la Maréote, région plus âpre, «plus Libyque, » selon le mot de Denys, mais plus rapprochée d’Alexandrie : la surveillance y serait facile. On eut soin de ne pas laisser les chrétiens habiter ensemble: ils furent dispersés dans des bourgs différents: Denys, sur lequel l'autorité voulait avoir les yeux, eut ordre de résider dans la région du Colluthion, au bord de la grande voie qui, parla Cyrénaïque, reliait Alexandrie et la Méditerranée avec l'Afrique proconsulaire. Dans sa relation pleine de franchise, il raconte que le changement de lieu lui causa d’abord quelque appréhension; il s'était attaché aux rudes habitants de Kephro: de plus, il s’effrayait d'être sur le passage des caravanes et dans un pays infesté de brigands. Mais le voisinage d’Alexandrie le consola. Ses amis, ses fidèles vinrent le visiter: les assemblées, que le préfet avait cru interdire, reprirent non seulement autour de lui, mais en tous les lieux habités par ses compagnons d’exil. Comme il le raconta plus tard dans un mandement adressé à son troupeau à l'occasion de la Pâque, « les condamnés ne cessèrent pas de célébrer régulièrement toutes les fêtes. L’endroit où chacun se trouvait, champ, désert, navire, hôtellerie, prison, tenait lieu d’église». Denys eût joui dans l’exil de toutes les consolations chères à son cœur d’évêque et d'apôtre, si la calomnie, qui n’épargne pas les saints, n’était venue l’y chercher. De Kephro ou de Colluthion il eut à se défendre contre un de ses collègues, Germanus, qui sans avoir fait preuve d’héroïsme dans aucune persécution, lui reprochait sa fuite sous Dèce, et probablement de n’être pas encore mort sous Valérien. Denys répondit à ces attaques par une longue lettre, où il raconte son histoire. A l’exemple de saint Paul, il y rappelle ses titres aux égards de tons, et particulièrement au respect de son adversaire : «les sentences des juges, la confiscation, la vente et le pillage de ses biens, le renoncement aux dignités, le mépris de la gloire du siècle, le dédain des louanges des préfets et des grands, les menaces courageusement affrontées, les clameurs, les accusations, les persécutions, la fuite, les privations, les souffrances de toutes sortes supportées sans faiblir, tant d’épreuves subies sous Dèce et Sabinus, et aujourd’hui sons Émilien». Après avoir ainsi parlé, Denys s’excuse «de cet excès de folie où Germanus l’a fait tomber»; folie, non assurément, ni orgueil, mais fierté légitime de l'évêque, du prêtre, du chrétien qui a été jugé digue de confesser Jésus-Christ, et ne permet pas que les calomnies des envieux flétrissent sa couronne!

Nous avons peu de renseignements sur l'application de l’édit de 257 à home et en Italie. La mort du pape saint Étienne 2 août parait avoir coïncidé avec sa promulgation. Eut-on le temps de l'inquiéter? La tradition fort ancienne de son martyre permet de le supposer; mais les détails donnés par les documents qui y font allusion sont inexacts et proviennent d'une confusion avec la mort dramatique de son successeur. Le silence gardé par les fables philocaliennes montre que si Étienne eut la gloire de périr pour la foi, ce fut comme saint Corneille d’une manière non sanglante, soit en exil, soit en prison. On déposa ses restes dans la crypte papale .

Les travaux commencés dès le règne de Septime Sévère pour donner à la catacombe de Calliste des issues secrètes durent être repris à cette époque afin de déjouer l'interdiction de fréquenter les cimetières et d’y tenir des assemblées. On abattit vers ce temps les marches de plusieurs escaliers et l’on ferma par des murs l'entrée de certaines galeries : l’accès des principaux sanctuaires devint ainsi presque impossible pour quiconque n’était pas initié. L’acolyte Tareisius, qui faisait probablement partie du clergé attaché au cimetière de Calliste, circulait entre Rome et le domaine chrétien de la voie Appienne, porteur des saintes espèces, quand il fut arrêté par une troupe de soldats chargés apparemment de garder l’entrée de la catacombe. Il refusa de trahir le secret du dépôt eucharistique et de «livrer aux chiens enragés les membres de son Dieu»; on le tua sur place. Les chrétiens assemblés près de là purent recueillir son corps : le martyr de l’eucharistie fut enterré dans le caveau papal.

La surveillance dont les cimetières étaient l'objet amena un meurtre plus horrible encore. Lors du premier anniversaire de Chrysanthe et Daria, martyrisés l'année précédente, des chrétiens s’assemblèrent pour aller prier dans l'arénaire de la voie Salaria nouvelle, près du caveau muré où reposaient les deux saints. Pendant l’oblation du saint sacrifice, des soldats apportèrent des pierres, du sable, bouchèrent à la hâte le souterrain: les pèlerins furent, à leur tour, enterrés vivants. Le lieu où reposaient tant de victimes finit par être oublié. Quand la tombe de Chrysanthe et de Daria eut été retrouvée après la paix de l’Eglise, on aperçut dans cette crypte deux fois vénérable non seulement les reliques des chrétiens qui y avaient péri, des squelettes d’hommes, de femmes, d'enfants étendus sur le sol, mais encore les vases d’argent apportés pour la célébration des saints mystères. Saint Damase, restaurant la catacombe fit, ne voulut point toucher à celte scène de martyre. Il s’abstint de faire des travaux dans la crypte, et d’y mettre aucun ornement étranger; il se contenta d’y poser une inscription et d'ouvrir dans la muraille une petite fenêtre, afin que tous pussent contempler les restes épars des pèlerins morts an milieu de leur prière. On les voyait encore au sixième siècle. Espérons que de nouvelles fouilles nous en rendront quelque souvenir, peut-être des fragments de l’inscription damasienne, peut-être la fenêtre même par laquelle nos pères ont contemplé cet émouvant spectacle, une messe célébrée au troisième siècle et interrompue par le martyre.

 

CHAPITRE III

LE DEUXIÈME ÉDIT DE VALÉRIEN.